The Crack-Up – F. Scott Fitzgerald

The Crack-Up – F. Scott Fitzgerald
The Crack-Up (1936)
Folio bilingue, 2004, 219 pages
Textes traduits par Suzanne Mayoux et Dominique Aury


Of course all life is a process of breaking down, but the blows that do the dramatic side of the work – the big sudden blows that come, or seem to come, from outside – the ones you remember and blame things on and, in moments of weakness, tell your friends about, don’t show their effect all at once.

Toute vie est bien entendu un processus de démolition, mais les coups qui font le travail spectaculaire – les grandes poussées soudaines qui viennent ou semblent venir du dehors, celles dont on se souvient, auxquelles on attribue la responsabilité des choses, et dont on parle à ses amis aux instants de faiblesse – restent sans effet apparent dans l’immédiat.


Voilà un texte que je voulais lire depuis très longtemps et que j’ai fini par acquérir dans une édition bilingue (d’où les deux introductions citées), n’ayant pas trouvé de version originale classique. Il est publié avec trois autres textes dont je dirai un mot à la fin de ce billet. 
A noter que ces textes ne sont pas des nouvelles, contrairement à ce qui est indiqué sur la couverture, mais bien des œuvres non fictionnelles.


The Crack-Up  est réputé être un texte de référence dans l’œuvre de Fitzgerald et l’on ne met pas longtemps à comprendre pourquoi. Il fut rédigé à la demande de l’Esquire qui s’impatientait de ne plus recevoir d’articles de Scott. Ce dernier, malade et sans inspiration, se proposa alors d’écrire sur… l’impossibilité d’écrire.

Si j’apprécie la traduction française du titre, La fêlure, parce qu’elle donne le sentiment d’une simple lézarde dans un monde argenté, il est évident que Fitzgerald évoque une expérience de dépression en bonne et due forme. Après un premier article rédigé en février 1936 où il compare notamment l’individu traversant une telle situation à une assiette fêlée, l’auteur revient sur le sujet en reprenant cette image, avec un certain humour, celui des désespérés, celui qui fait que Fitzgerald m’est si cher. Le second article composant l’ensemble s’intitule ainsi : « Handle with care / Manier avec précaution ». Un mois plus tard, il rédige : « Pasting it together / Recollage ». Fitzgerald se livre donc à une véritable analyse du processus et peut-être que ce texte lui aura permis de prendre du recul sur sa situation.

Ce qui marque dans The Crack-Up, c’est le mélange entre l’acuité de l’analyse qui nécessite un certain sang-froid et l’aspect très personnel, voire intime, du sujet. Mais Fitzgerald touche également à un sujet qui est universel. Pendant longtemps, on se sent capable de gérer les aléas de la vie et tout fonctionne effectivement ainsi, bon an, mal an. Et puis, un jour, nos nerfs lâchent, généralement sans crier gare. Fitzgerald évoque une hypothèque morale (et physique) qui se serait formée au fil des années à notre insu.

Certains passages sont poignants car, si Fitzgerald est en train de se désagréger, il en a pleinement conscience. Au fil de ses réflexions, l’auteur tente de dénouer ce qui l’a mené à cette situation désespérée et, partant, de trouver un moyen de s’en tirer. Cela passe par une analyse sans concession de soi-même et l’auteur n’a pas peur de mettre à nu les faiblesses qui l’ont conduit, à ses yeux, à en arriver là.
Puis, il faut tenter de réintégrer la vie, quitte à ne s’accrocher qu’à quelques minces certitudes, notamment le fait que tant que l’on souffre, c’est que l’on est vivant …

Finalement, Fitzgerald en vient à quelques conclusions. Arrive un moment où il s’avère nécessaire de se concentrer sur l’essentiel (être écrivain, puisque c’est ce pour quoi il est fait) et évincer tout le reste. Essayer de rester fidèle à soi-même tout en faisant semblant d’apprécier ce qui nous dérange dans la société ; porter un masque, en somme. En tout état de cause, payer un prix … C’est assez cynique parfois, mais cela rejoint des propos de Frédéric Beigbeder : « [Scott] écrivait pour la même raison qu’il buvait : parce qu’il était trop sensible pour mener une vie normale. » Tout est dit.


Les autres textes qui composent ce recueil

How to Live on $36,000 a Year (1924) / Vivre avec trente-six mille dollars par an

Où l’auteur et son épouse essaient d’apprendre à faire des économies sans grand succès. C’est un texte intéressant qui montre comment, confronté aux soucis du quotidien qui l’empêchent notamment d’écrire sereinement, Fitzgerald arrive encore à trouver de la ressource pour transformer des questions triviales en scènes enlevées.


How to Live on Practically Nothing a Year (1924) / Vivre avec presque rien

Suite à l’échec de leur tentative pour économiser de l’argent, les Fitzgerald tentent une autre approche. Ils ont entendu dire que l’on pouvait vivre dans le sud de la France pour presque rien et se disent qu’ils feraient donc bien d’aller passer une année là-bas pour, enfin, réaliser ces fameuses économies. Comme on peut s’en douter, les choses ne sont pas aussi simples qu’elles paraissent mais Fitzgerald trouve encore le moyen de nous amuser (souvent à ses dépens d’ailleurs !) Il se moque également de ces Américains (dont il fait partie) incapables de renoncer à leurs habitudes alors qu’ils vivent à l’étranger.


Afternoon of an Author (1936) / L’après-midi d’un écrivain

Cet article ne m’a rien inspiré. Je n’y ai pas trouvé un quelconque intérêt si ce n’est sa brièveté.