Les âmes mortes – Nikolaï Gogol

Les âmes mortes Nikolaï Gogol
Les âmes mortes  – Nikolaï Gogol
(Мёртвые души, 1842)
Seuil, 1992, 450 pages
Traduction de Madeleine Eristov Gengis Khan et Boris de Schloezer


« Une assez élégante petite briska montée sur ressorts s’engagea sous la porte cochère de l’hôtellerie du chef-lieu de N... »


Gogol est l’unique écrivain russe dont j’aie fini plusieurs livres. Cela tient avant tout à la brièveté de ses ouvrages (du moins ceux que j’ai lus) mais aussi à son style qui reste simple sans que ses histoires manquent pour autant de profondeur. En vérité, la simplicité de l'écriture aurait tendance à induire le lecteur en erreur quant à la solidité du fond. C’est particulièrement marquant avec ce titre-ci. L’histoire se lit sans y penser et, si l’on n’y fait pas attention, on pourrait se contenter de la qualifier d'agréable et relaxante. Or ce roman est considéré comme une des œuvres majeures de la littérature mondiale.

> Le personnage principal, Tchitchikov, arrive un beau jour dans une ville, s’installe à l’hôtellerie du coin, fait le tour des notables et s’enquiert des principaux propriétaires. Il fait bonne impression de par ses manières respectueuses, sa réserve et son bon esprit. Il se débrouille pour tout savoir sur tout le monde et les environs sans jamais vraiment dire quoi que ce soit à son sujet. Il devient rapidement l’individu le plus recherché du coin : tout le monde se l’arrache.
A l’époque de l’histoire, la Russie fonctionnait encore sous le système féodal et un propriétaire possédait donc des serfs dénommés « âmes ». Un serf mort était donc une « âme morte ». Un beau jour, sentant le moment opportun, Tchitchikov lance son plan, à savoir racheter à des propriétaires leurs âmes mortes depuis le dernier recensement.

> L’intérêt de l’histoire ne repose pas sur l’escroquerie, même si les aventures de Tchitchikov se lisent sans déplaisir. En revanche, ce roman voudrait dresser le portrait de la Russie au territoire si étendu, une Russie qui peut faire peur aux autres nations de par sa puissance innée. Or loin de glorifier le peuple russe, Gogol s’entend plutôt à le démonter pièce par pièce. Tout le monde y passe : les notables, les propriétaires terriens, monsieur et madame tout-le-monde, les domestiques, etc. Chaque personnage est très caractérisé et jamais dans un sens bien valorisant.

> Ce que j’ai aimé dans ce livre, c’est avant tout cette âme russe qui habite chaque ligne. Qu’il s’agisse des portraits de personnages typiques, d’expressions, de plats et d’une façon générale d’habitudes culturelles, ce roman respire la Russie. Je ne veux pas dire par là que les Russes sont particulièrement bourrés de travers et méprisables. Si Gogol a opté pour l’angle du dénigrement, il reconnaît lui-même avoir fait un choix et donc ne pas sous-estimer pour autant les mérites et vertus de ses concitoyens. Il ne se place pas non plus au-dessus de la mêlée ; il se contente de raconter la Russie telle qu’il la connaît.

> Ce roman démontre avant tout les qualités d’observation de Gogol, sa capacité à retranscrire ses découvertes à travers la création de personnages mêlant divers traits de caractères, caractères humains mais aussi relatifs au pays lui-même, cela pour créer une œuvre tentant de dépeindre un ensemble fort complexe.
Pour qui aime la Russie, sans distinction d’époque, ce roman est sans nul doute une œuvre à lire.


« Elle laisse derrière elle tout ce qui est sur terre, et, avec un regard inquiet, les autres nations s’écartent pour lui livrer passage. »


> Le roman existe bien sûr en édition poche mais aussi en accès libre sur Feedbooks.