A travers les champs bleus – Claire Keegan

A travers les champs bleus – Claire Keegan
 (Walk the Blue Fields, 2007)
Sabine Wespieser Éditeur, 2012, 256 pages
Traduction de Jacqueline Odin
(existe en poche)


Ce recueil de huit nouvelles est dans la lignée des précédents titres de l’auteur, spécialisée dans les histoires pas si courtes que cela. Du moins, Claire Keegan démontre-t-elle qu'il n'est pas nécessaire d'écrire un roman de 500 pages pour marquer les esprits. En quelques pages un univers se dessine, des personnages prennent vie, une histoire est mise en place : il ne manque rien.

En outre, l'auteur sait transmettre des messages forts avec une écriture sobre et tranquille. Rien n'est superflu et Keegan reste légère, suggère plus qu'elle ne souligne lourdement. Elle nous mène par la main, lentement mais fermement, examiner à la loupe les relations humaines dans une Irlande qui semble ne pas arriver à se défaire de ses préjugés, généralement défavorables aux femmes, qu’il s’agisse des relations entre pères et filles ou des (ex)-couples.

Pourtant, comme dans L’Antarctique, on devine que les femmes n’ont plus toujours la patience de supporter leur sort et qu’elles prennent désormais leur destin en main. De très beaux portraits de femmes indépendantes, voire vengeresses, parsèment ce recueil.
L’opposition entre les hommes et les femmes se joue ici souvent par une différence de priorités. Les premiers sont avant tout intéressés par la terre, tandis que les secondes veulent une vie décente, où elles seront respectées, aimées. Elles veulent des hommes qui s’engagent à leurs côtés et non mener des vies de couples qui ressemblent à des arrangements. On sent également que la nouvelle génération rechigne à entrer dans ce schéma, y compris pour certains hommes (Le cadeau d’adieu).

La première nouvelle (La mort lente et douloureuse) se distingue très nettement des autres, tout comme celle se déroulant aux Etats-Unis. Cette première nouvelle n’est pas caractérisée par les stigmates d’une Irlande qui se cherche. Elle met en scène une femme écrivain, en résidence dans une maison où vécut Heinrich Böll lors de son séjour en Irlande, et qui va être importunée par un étrange personnage. Elle se vengera d’une façon peu commune.
La fille du forestier est menée de main de maître ! J’ai également beaucoup aimé La nuit des sorbiers, la nouvelle qui clôt le recueil et qui mêle habilement le destin d’une femme avec les légendes et superstitions.

Bien que Claire Keegan s’en tienne toujours à ses thèmes de prédilection, elle sait se renouveler et nous proposer des situations originales, troublantes et vibrantes.

Ce recueil est une nouvelle réussite pour cet écrivain que, décidément, je ne vais pas lâcher comme cela et que je recommande à ceux qui n'ont pas encore eu la chance de la découvrir.


Ce livre m'a été transmis par l'éditrice.