Passent les heures – Justin Gakuto Go
(The
steady running of the hour, 2014)
Points, 2015, 600 pages
Traduction d’Isabelle
Chapman
Fraîchement diplômé, Tristan reçoit un courrier d’un cabinet
d’avocats londoniens lui annonçant qu’il serait peut-être l’héritier de la
fortune d’un alpiniste mort en 1924 alors qu’il tentait de conquérir l’Everest.
Mais Tristan doit prouver qu’il est bien le descendant d’Ashley Walsingham et
il n’a que quelques semaines pour cela. C’est ainsi qu’il part pour l’Europe.
Avant tout chose,
précisons que si vous me trouvez dure dans les lignes qui suivent, c’est
pourtant une version édulcorée que vous lisez.
Suite à un début
tarabiscoté (l’auteur complique les choses inutilement et se prend les
pieds dans le tapis à plusieurs reprises), l’intrigue se déploie dans deux
directions : d’un côté la quête présente de Tristan (globalement d’un
inintérêt abyssal, Tristan n’ayant aucun charisme), de l’autre l’histoire
d’amour de ses ancêtres, Imogen et Ashley, de leur rencontre en pleine première
guerre mondiale au décès d’Ashley en 1924. Ce deuxième fil est assez
passionnant dans son genre si on aime les histoires d’amours contrariées.
Les « premiers
romans » m’indisposent en
ce qu’ils sont maladroits et rarement géniaux quoiqu’en disent les bandeaux. Passent les heures n’échappe pas à la
règle. Outre les maladresses, l’auteur accumule des incohérences, use de
raccourcis bien pratiques pour lui et nous assomme en revanche avec des
longueurs qui n’apportent rien à l’intrigue. Jusque-là, ça reste dans la norme.
Le copier / coller sur la vie dans les tranchées m’a
ennuyée au-delà de tout ; l’ascension de l’Everest aussi mais je savais
qu’il faudrait en passer par là ; j’ai carrément fait l’impasse sur le
mini-laïus concernant les sagas islandaises et j’ai souri de la vision de
l’Europe par un Américain mal dégrossi. Mais j’aurais pu m’accommoder de tout
cela.
D’ailleurs, on finit par être embarqué dans cette histoire
et on s’installe dans une lecture finalement confortable à défaut d’être
exceptionnelle : c’est un roman qui se
laisse lire sans trop donner de sa personne. Evidemment, tout cela est
supposé mener à quelque chose : on n’écrit pas un bouquin de 600 pages
parce qu’on s’ennuie me disais-je.
J’en suis beaucoup moins sûre désormais.
En effet, ce roman est une
imposture : ce que l’éditeur appelle « prend[re] conscience du véritable enjeu de cette quête », je
le nomme se payer la tête du lecteur. Il n’y a aucun génie à ne pas assumer
l’histoire que l’on a étalée sur tant de pages.
J’aurais accepté n’importe quelle fin : que Tristan
échoue ou qu’il réussisse m’importait peu finalement. Mais l’auteur a préféré
botter en touche et abandonner sèchement le lecteur (je cherche encore le
chapitre manquant). On peut se demander ce que Tristan a retiré de ses
aventures ; n’ayant aucune profondeur psychologique, il ne risquait pas
d’évoluer.
Alors oui, le projet était ambitieux. Trop. Et cela se
ressent dès le début. A vouloir créer une usine à gaz, on accouche du néant. J’aurais
dû me méfier et abandonner avant d’y perdre quantité d’heures.
C’est un roman qui fait pschitt !
Je ne le conseille pas.
Ce livre a été lu dans le cadre du jury du meilleur roman
Points.